1re lecture : 1er livre des Rois 19, 16-21
Psaume 15
2e lecture : Galates 5, 13-18
Évangile : Luc 9, 51-62
1. Puisque nous sommes à quelques jours de la saint Pierre / saint Paul marquée traditionnellement par les ordinations des prêtres dans tous les diocèses du monde, et puisque c’est aujourd’hui le dimanche 26 juin l’exact anniversaire de mon ordination, 33 années déjà, permettez-moi chers amis une méditation sur ce thème de l’appel et du sacerdoce. Je me sens interpellé particulièrement par la prière du psaume : Garde-moi mon Dieu : j’ai fait de toi mon refuge. J’ai dit au Seigneur : « Tu es mon Dieu ». Quand j’évoque mon ordination, je vous assure que c’est toujours un sentiment d’action de grâce qui domine, car le Seigneur m’a « gardé » jusqu’au jour de l’appel, et il m’a gardé aussi, je peux en témoigner avec assurance, tout au long de ces 33 années. J’ai dit au Seigneur : Tu es mon Dieu.
2. Élie trouva Élisée en train de labourer… J’ai été attiré par cette image de labour de la première lecture, non seulement bien accordée au département rural qui est le nôtre, mais aussi avec la mission du prêtre.
Car le labour est à la source de quelque chose qui est absolument vital pour l’homme : sans labour, pas de semailles, sans semailles, pas de récoltes, sans récolte, pas de pain pour l’homme ; et nous savons bien ce que le pain évoque : nourriture, partage, repas, fraternité... Et nous sommes alors déjà au cœur de notre sujet : le prêtre, c’est celui qui va permettre aux hommes de manger aux deux tables, celle de la Parole et celle de l’eucharistie. Il laboure, il prépare le cœur, Dieu sème, et le blé peut lever. Tout à l’heure, à l’offertoire, il pourra dire : « Tu es béni, Dieu de l’Univers, toi qui nous donnes ce pain, fruit de la terre et du travail des hommes... ». Ce pain, il est autant celui du ciel, par la pluie et le soleil qui ont permis au blé de lever, que celui du travail des hommes par le travail qui a consisté à prendre le blé et à en faire le pain que nous avons entre les mains. Le prêtre est ce laboureur pour qu’un jour les hommes puissent tenir entre leurs mains le pain de vie. Le Christ, par le don de sa vie sur la croix, où il a été broyé, permet que ce grain brut devienne farine et pain pour que nous nous en nourrissions lorsque nous venons communier. Le laboureur est autant lié au pain qui un jour sera entre ses mains que le prêtre à l’eucharistie ; tous les deux labourent et sèment, et c’est pour que les hommes aient la vie.
3. Mais l’image du laboureur évoque aussi une autre image, celle du soc de charrue. Le soc pénètre profondément en terre, il casse la terre dure ou meuble selon les occasions, et permettra l’opération suivante, celle des semis où le grain sera déposé en terre, en attendant la germination et la poussée du grain. Sans cette opération de retourner la terre grâce à la charrue, il ne peut y avoir de semis. Le prêtre est alors celui qui, par les sacrements qu’il célèbre, ou la Parole de Dieu qu’il proclame et commente, permet cette opération de semailles ; finalement, il prépare la terre pour que le Seigneur puisse y déposer son grain. Dans le meilleur des cas, il permet que le soc de charrue du Seigneur entre profondément dans le cœur de l’homme pour que celui-ci soit capable d’accueillir la Parole de salut que le Seigneur veut y déposer.
Il ne faut pas croire que cela soit une opération aisée ; d’abord pour le prêtre lui-même dont le cœur et la vie sont aussi à convertir, comme pour tous les autres. Le labour n’est pas une tâche aisée… Comme nous le rappelle fortement l’Évangile, le cœur de l’homme est dur, et le Seigneur doit employer avec lui un soc d’un acier particulièrement résistant. Voyez comme il provoque aujourd’hui ses disciples, ceux qui veulent le suivre : à un homme qui voulait le suivre partout où il irait, Jésus répond : « Sache que le Fils de l'Homme n'a pas d'endroit où reposer sa tête ». A un autre qui voulait aller aux funérailles de son père, Jésus demande de partir immédiatement annoncer le Royaume : « Laisse les morts enterrer les morts ».
A un troisième qui veut tout simplement aller dire au revoir à sa famille, Jésus rappelle : « Celui qui regarde en arrière après avoir mis les mains à la charrue n'est pas digne du Royaume de Dieu ». N’y voyons pas une opération impossible, mais tout simplement l’appel du Seigneur à sans cesse nous dépasser, à aller plus loin, plus haut. Car s’il ne fait pas cela, qui le fera à sa place ?
Bien sûr, il ne faut pas interpréter ces paroles au premier degré et aujourd’hui, les religieux même cloîtrés peuvent aller à l’enterrement de leur père ou de leur mère. Mais ce langage est intentionnellement provoquant parce que pendant toute sa vie terrestre, qui s’est mal terminée comme on sait, Jésus a rencontré l’opacité du cœur de l’homme. Et il lui a fallu tantôt se faire tendre, en prononçant des paroles de douceur, tantôt se faire dur, en prononçant des paroles sévères... pour faire une brèche dans cette dureté, pour se faire entendre... Ce n’est pas Jésus qui est dur, c’est le cœur de l’homme.
4. En donnant à ses frères la Parole de Jésus qui a su se faire tendre et menaçante à la fois, le prêtre a ainsi pour mission de réveiller les cœurs assoupis pour qu’ils aient envie de servir le Seigneur. C’est à cette belle mission que le Seigneur appelle aujourd’hui encore, même s’ils sont moins nombreux, de jeunes hommes à le suivre, et c’est pour eux ainsi que pour tous les fidèles vers lesquels ils sont envoyés que nous prions, Amen.
P. Loïc Gicquel des Touches