Réfléchir ce matin à « la Sainte Trinité », Dieu Père, Fils et Esprit Saint, c’est accueillir au plus profond de soi-même un Dieu qui est tout le contraire d’un être inaccessible et lointain, mais au contraire un Dieu qui est « chair », incarné, proche. Un Dieu qui est passionné, qui réagit, qui vit. En effet, non seulement l’Evangile est marqué par les paroles et les faits de Jésus qui guérit, interroge, proteste, parle aux hommes, mais aussi par Jésus qui passe beaucoup de temps avec son Père : il se retire dans un lieu désert et passe la nuit à prier, il le supplie à Gethsémani ; au baptême et à la Transfiguration, il accueille la voix qui dit : Celui-ci est mon Fils bien-aimé. // Nous sommes profondément marqués par les liens d’affection qui nous unissent aux membres de notre famille, parents, époux, enfants. // Mais ces liens ont marqué aussi la vie de Jésus : son Père, c’est tout pour lui, il n’arrête pas d’en parler, surtout dans l’Evangile de Saint Jean, il le prend à témoin, il voudrait tellement que le monde le connaisse et l’accueille ! Et cet amour s’exprime dans et par l’Esprit Saint, qui est la communion d’amour du Père et du Fils.
L’amour, le vrai, pas celui des magazines et du JT de 20 heures, est un amour étonnant et mystérieux, dont on n’aura jamais fini je pense de faire le tour et de convenablement l’apprécier. Sans doute est-ce Saint Paul qui en a fait la plus exacte description, dans ce passage qui vient en premier du hit parade des lectures bibliques choisies dans les mariages ; en effet, alors que l’amour des magazines est toujours un amour spectaculaire, qui se voit et s’entend... et se défait à la première occasion, l’amour chrétien, lui prend patience, ne jalouse pas, ne cherche pas son intérêt ; il ne se réjouit pas de ce qui est mal, il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout... C’est cet amour qu’a vécu Jésus avec son Père pendant sa vie terrestre, surtout au moment de la Passion ; il en a fallu une bonne dose d’amour à Jésus pour faire confiance, jusqu’au bout, sur la croix ! // Réfléchir en ce jour à la Trinité, ce n’est donc pas d’abord faire de savants discours sur chacune des personnes, le Père, le Fils et enfin l’Esprit, mais c’est vraiment d’abord recevoir, comme un coup dans l’estomac parce que cela s’est inscrit douloureusement dans la chair même de Jésus, cette réalité de cet amour extraordinaire qui s’est vécu dans l’Esprit Saint, entre le Père et le Fils. Le Père a envoyé le Fils dans le monde, et le Fils est venu, malgré la croix. Le Fils, s’il a passionnément aimé les hommes jusqu’à mourir pour eux, a d’abord aimé son Père, et par amour pour lui, s’est donné totalement, a fait confiance totalement, a tout supporté.// C’est cela la Trinité, ce regard que nous posons aujourd’hui avec un infini respect sur ce Dieu qui n’est pas du tout comme le monde l’imagine, un dieu froid et olympien, qui trône dans les nuages en regardant les hommes s’entredéchirer, // mais un Dieu qui est chair, parce que, comme nous, l’amour est sa fondamentale expérience, et qu’il a besoin de se donner à cause de cela. En cela il nous est véritablement proche, en cela il est imitable, en cela il est aussi prodigieux, parce que, comparé à lui, nous sommes de pauvres êtres pécheurs.
Le drame est que bien des hommes ignorent cela, ou restent à l’écart de la réalité trinitaire. Quand on aime extraordinairement, et que l’être aimé ne reçoit pas cet amour, ou ne veut pas l’entendre, c’est une blessure parfois intolérable, tous ceux qui l’ont vécu peuvent en témoigner. Même nous, chrétiens, il faut le reconnaître, nous sommes bien loin de mesurer la dimension de cet océan d’amour qu’il y a en Dieu, à l’intérieur de lui, et pour les hommes. C’est pourtant cela que l’eucharistie nous invite à découvrir chaque semaine, grâce à la messe du dimanche où, par les lectures, et la proclamation de la prière eucharistique, nous faisons à chaque fois mémoire de la Trinité. Nous nous en souviendrons au moment du Notre Père : c’est l’Esprit Saint reçu au baptême et à la confirmation qui nous donne de pouvoir appeler Dieu du nom de Père, sinon il serait encore une fois pour nous un Dieu très lointain. C’est l’Esprit Saint qui nous donne d’aller vers le Fils et le Père en toute confiance. Et c’est Jésus le Fils qui nous a fait connaître le Père, qui nous a appris la prière du Notre Père. Bref, toute la messe est placée sous le signe de la Trinité, c’est elle qui nous guide et nous invite à vivre ce décentrement et ce don de soi qui est la marque indélébile de la Trinité, Père Fils et Esprit Saint que nous fêtons ce matin. AMEN.
P. Loïc GICQUEL DES TOUCHES